Ajnar (bis), posté par Aranna le 27-12-2007 Ã 00:36
Arcane XXVI - [ Au sujet d'Ajnar]
Assis à son fauteuil, le Vieux attendait que Steel n'arrive, il avait à lui parler. Quelque chose planait dans l?air, quelque chose de sournois, de malsain, quelque chose de palpable, et cette chose les concernait, du moins en partie.
Il savait déjà , le Vieux, pour Ajnar, pour Foalsey, qui ne pouvait pas sentir cette dernière, pour Thorn aussi, dans une certaine mesure. Ajnar?il y avait combien, dix ans ? Quinze ans qu?elle arpentait ? Plus ? Il se souvenait comme si c?était hier de son arrivée, une arrivée fracassante, imprévue et houleuse. Ajnar tout craché. A sa décharge, il fallait bien admettre que la transmission ne s?était pas passée comme prévue. La charge de Chasseur était héréditaire, de mère en fille, toujours. Au moment où une fillette devenait une jeune fille, sa mère commençait à lui enseigner les ficelles du métier, à lui transmettre ses secrets, c'est-à -dire l?art et la manière d?Arpenter. Ce n?était qu?au moment où la jeune fille devenait une femme qu?elle incarnait sa fonction, devenant une Chasseuse à part entière.
Rien ne s?était passé comme ça pour Ajnar. Sa mère était morte, brutalement, dans des circonstances plus que douteuses, juste au moment où la fillette allait vivre le rite des premières lunes. Personne ne pouvait la remplacer, et la maison ne pouvait pas être abandonnée, vulnérable, sans Chasseuse. En tout état de cause, il y aurait dû y avoir quelqu?un pour l?aider, mais le destin étant ce qu?il était, il n?y avait eu personne. A l?âge où elle aurait dû apprendre, Ajnar avait dû incarner sa tâche.
A cette pensée, il grimaça. Il ne se souvenait que trop bien de cette presque enfant, hurlante que l?on avait traînée dans son bureau. C?était toujours hurlante et suppliante qu?on avait pris son empreinte, la présentant à la maison, et la maison avait rejetée Ajnar, refusant de la reconnaître. Steel, Stone et Sword avait rapidement délibéré, et conclu qu?il n?y avait pas dix milles solutions. Soit Ajnar imposait sa volonté à la maison, soit elle était mise à mort.
Elle était finalement redescendue, douze heures plus tard, victorieuse, extenuée, à jamais marquée par ce qui s?était avéré pire que la plus cruelle des Ordalies. Ajnar avait pliée la maison à sa volonté, gagnant du même coup ses pleins pouvoirs en même temps qu?une haine farouche de toute autorité et n?avait plus jamais adressé à la parole à Sword et à Stone, mis à part cette fameuse fois où elle avait fait irruption de force dans leur repaire, mais c?était une exception, et une de taille. Ajnar ne traitait qu?avec Steel, et Steel se pliait à ses caprices avec plus ou moins de bonne volonté, non en raison d?une quelconque affection, mais, supposait le Vieux avec justesse, parce que cette fichue gamine était la seule à ne pas le craindre, et que, d?une manière ou d?une autre, cela devait amuser le vieux corbeau.
Le Vieux était encore plongé dans ses pensées quand la porte s?ouvrit, laissant le passage à Steel. Encore un qui ne porte pas bien la marque du temps, songea t?il en levant les yeux vers son visage. Enfin, après plusieurs milliers d?années, c?était excusable.
Et il lui fit signe de s?asseoir.
Ecrit sur War Of Wrath - Battlelore
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l'ombre du passé, posté par Aranna le 14-12-2007 à 19:06
Arcane XXVI - Le Monologue
J?ai aimé jadis, mais personne ne le sait. Je l?ai aimé cette femme, au point d?en braver nos lois, au point d?en braver leurs interdictions.
C?était le matin du monde, et je pensais naïvement que mon rôle pourrait trouver un remplaçant. Je l?ai épousé cette femme, et notre union fût bénie par trois enfants. Mais comme dans toutes les histoires, il faut un élément perturbateur, sinon, qu?aurions nous à raconter ? En ce qui me concerne, j?aurai préféré ne pas avoir d?histoire, naître et mourir, comme tous les hommes. Pendant qu?on y est, j?aurai préféré en être un, d?homme. Il paraît qu?ils ne choisissent pas leur destinée eux, alors, peut-être qu?en définitive, j?ai réussi vraiment à en être un, pendant quelques décennies.
La peste s?est abattue sur la ville. Et stupidement, comme meurent toujours les mortels, ma femme en est morte. Ils sont venus me chercher. « C?est la fin du contrat, me dirent-ils ».
J?ai dû les suivre, et laisser derrière moi mes enfants, sans même leur dire au revoir. Pour leurs dire quoi ? Que je n?étais pas un mortel, et qu?ils ne me reverraient jamais ? Avec les années, j?ai compris, la part de folie que mon choix comportait, son inconscience, et sa vacuité. De derrière le voile, je les ai vu grandir mes enfants, je les ai entendu me maudire, moi et ma lâcheté, moi et mon inconscience. Alors j?ai commencé à regretter. Inutilement d?ailleurs. J?avais eu ce que je méritais. Que l?on n?attende pas de moi pitié ou miséricorde. J?ai essayé jadis. Cela me fût refusé. Je ne vois pas au nom de quoi je l?accorderais aux autres. Miséricorde et compassion ne sont que des vains mots pour qui n?a jamais croisé leurs routes. Je sais qu?ils leur arrivent de regretter leur intransigeance aux deux autres. Tant pis pour eux. Tant pis pour nous, tant pis pour tous.
Ecrit sur Hear the Voice, par Carved in Stone
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Ajnar, posté par Aranna le 11-12-2007 Ã 13:16
Arcane XXVI - Chasseuse
Arrivée dans le plus parfait des silences, la femme se planta devant le comptoir et attendit.
Thorn ne savait pas qui elle était, mais de multiples réactions autour d'elle lui apprirent que cette personne n'était pas franchement la bienvenue. Foalsey avait trouvé quelque chose d'urgent à faire et Shein n'avait pu retenir une petite grimace. Quant aux autres, impossible de savoir où ils étaient partis.
L'accoutrement de cette femme n'avait rien d'engageant et ses yeux jaunes indiquaient très clairement qu'elle était en colère.
Elle n'accorda à Thorn qu'un regard bref et hautain pour se tourner vers Shein.
«Putain, il est où? » dit-elle d'une voix sèche.
Apparement, Shein devait savoir qui était ce mystérieux « il », puisque, sans même lui adresser un mot (pour la plus grande joie de Thorn), il lui désigna du bout des doigts le bureau d'Eadha. A peine avait-elle franchie le seuil du bureau que l'on vit Eadha apparaître, son rat sur l'épaule. La porte de son bureau se referma brusquement sur ses talons.
« Bon, on est reparti pour une scène de ménage. » soupira Shein.
Effectivement, comme pour lui donner raison, on commençait à entendre du bruit provenant du bureau. Une voix d'homme qui demeurait posée, et une voix de femme qui l'était beaucoup moins.
Eadha avait commencé à ranger des piles de manuscrits en souriant, aussi détendu et à l'aise que s'il avait été occupé à boire une tasse de thé devant le feu. Le fait d'avoir été littéralement flanqué à la porte de son fief par une furie ne semblait pas l'affecter, pas plus que la tension éléctrique qui s'amassait dans l'air, et devenait plus palpable de minutes en minutes.
On entendit un bruit de verre brisé, et une odeur de brûlé commenca à se faire sentir.
« Y'en a marre à la fin. Ils peuvent pas se sauter dessus ou s'entre-tuer une bonne fois pour toutes ces deux là . J'en peux plus, bon sang, ca va faire vingts ans qu'on supporte ca toutes les semaines. » gémit Shein, se tenant la tête dans les mains.
« Ne rêvez pas, répondit un Eadha hilare. Si l'un ou l'autre avait dû arriver, ca serait déjà fait. »
« Je n'y comprends rien, euh... de qui vous parlez ? C'est qui cette fille ? » demanda timidement Thorn. (c'était la première fois qu'elle osait adresser la parole à Eadha.)
Ce fût Shein qui répondit, d'une voix lasse.
« Cette fille, c'est Ajnar. Et elle cherche le Cro... enfin Steel. Comme d'habitude elle doit avoir des trucs à négocier. Il va pas être d'accord, et ca va mal tourner. »
Thorn devint blème à la mention du nom de Steel. Elle avait du mal à imaginer quelqu'un, même une fille aussi hargneuse, aller chercher querelle à cet homme. Rien que le souvenir de son ordalie lui donnait la nausée.
« Euh... alors, ben en fait, ils s'aiment ou ils se haïssent ? » ajouta elle.
Eadha éclata d'un rire franc, un rire qu'il ne pouvait plus contenir.
« Ni l'un ni l'autre. Faut pas voir du romantisme partout, on n'est pas dans un roman de Barbara Cartland. Ajnar et Steel ne s'aiment pas, pas plus qu'ils ne se haïssent. Ils bossent ensembles, c'est tout. Ils ont besoin l'un de l'autre, Ajnar est une remarquable Chasseuse. Il a besoin d'elle pour maintenir la maison en vie et en état de fonctionnement. Elle a besoin de lui si elle veut continuer à vivre. C'est tout. »
Thorn écarquilla les yeux jusqu'à ce qu'ils ressemblent à des soucoupes.
« La maison est vivante ? »
« Mais tu crois quoi ? Qu'on peut vendre des grimoires, stocker des artéfacts, tripoter des manuscrits pas nets, faire bosser des magots au même endroit en plein Paris comme ça, tranquille sans problèmes ? Heureusement que la maison est vivante. Et maintenant nom de dieu, qu'elle arrête de vociférer comme ca, elle me rend dingue.» grogna une voix qui ressemblait à celle de Foalsey, sauf que cette dernière était invisible.
Eadha, toujours aussi calme lui proposa d'aller prendre une pause et de monter voir les Jumelles plutôt que de rester cachée à ruminer. Le bonhomme jouait maintenant avec son rat et lui grattait doucement le dos, manifestement hermétique à tout le reste. Ce gars là était anti-sismique.Il aurait pu traverser la plaine de Verdun en croquant un morçeaux de chocolat songea Thorn, admirative. En même temps, si il se faisait mettre à la porte de son bureau tous les quatre matins, il y avait de quoi.
Ecrit sur Where is my mind - Pixies
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[ sans titre ], posté par Aranna le 01-12-2007 Ã 20:36
Arcane XXVI - [sans titre]
- « Mais qui diable sont-ils ? » demanda Thorn.
- « La réponse est dans ta question », sourit Shein. « Pour le reste, ils n?ont pas de noms. Et s?ils en ont jamais eu, seul le Vieux les connais, et Eadha peut-être, mais dans tous les cas, ils se gardent bien de les utiliser. Nous évitons autant que possible de parler d?eux, et quand d?aventures nous le faisons, nous utilisons des surnoms. Le Militaire, le Gluant et le Croque-Mort. Pour ce qu?ils sont, cela suffit amplement. »
A ces mots, Thorn pouffa de rire. Voilà qui était bien trouvé, dit-elle. Et elle applaudit à ce qui lui semblait un trait d?esprit particulièrement brillant.
- « Pour moi il a un nom. », objecta simplement Foalsey.
Shein sembla mal à l?aise, et, dissimulant ce que je savais être une gêne, il se tourna vers Thorn, et sur le ton de la plaisanterie, l?informa que Foalsey avait depuis longtemps un béguin inexpli...
- « Non, je ne dirais pas que c'est un béguin », coupa sèchement Foalsey. « Ce genre de sentiments conviennent pour les humains, et, pour ce que j?en sais, et il est tout sauf humain. Moi aussi au passage, si on va par là . C?est une sensation à la fois troublante et angoissante. Vous ne l?aimez guère, vous autres, parce que vous ne savez pas qui il est.
En vérité, cet homme là , je l?ai vu pleurer. Je le vois chaque jour qui porte sur ses épaules plus de fardeaux que vous n?en porterez jamais. Et j?ai pitié de cet homme là , parce qu?il est seul. Désespérément seul. Oui, pour moi il a un nom. Un nom qui sonne comme une de vos plaisanteries, mais un nom quand même. »
Thorn garda le silence, observant Foalsey qui caressait du bout des doigts une veine dans le bois du comptoir. Foalsey dont le visage avait l?expression de ceux qui en savent plus qu?ils ne le prétendent.
Ecrit sur : Fortuna - Corvus Corax
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L'ordalie - Partie 1, posté par Aranna le 28-11-2007 Ã 13:10
Arcane XXVI - L'Ordalie (I)
L'arrivée soudaine de Thorn suscita bien des questions, et une en particularité : qu'avait-elle fait pour que le Vieux, solitaire notoire, prenne le risque de nous la ramener ? Si il l'avait fait, c'est que de toutes évidences, il y voyait une bonne raison, restait à savoir laquelle. Aller lui poser directement la question était tout, sauf une chose intelligente. Restait à la poser à Thorn, mais pour le moment, personne ne lui avait adressé la parole.
Il était inutile de parler à un nouveau venu qui n'avait pas encore passé l'Epreuve. La plupart de ceux qui trouvaient le chemin jusqu'à nous échouaient, et nous restions seuls à regretter leur présence, en silence. Il est beaucoup plus facile d'oublier une personne que vous ne connaissez pas. Au fil des années, une règle tacite s'était mise en place. Tant que la personne n'avait pas été convoquée, on l'ignorait. Si elle revenait, il était toujours temps de faire connaissance. Et si, comme c'était le cas la plupart du temps, elle ne revenait pas, nos blessures étaient plus faciles à panser. Le plus douloureux, c'était de ne rien dire quand on les voyait monter le grand escalier et nous tourner le dos. Il nous fallait alors oublier les regards suppliants, et les mots avortés de ceux qui s'apprétaient à subir l'Ordalie.
Thorn nous facilitât la tâche, elle ne parlait pas, ne posait aucune question, ne tentait d'engager aucune conversation. Elle se contentait de poser son corps dans un coin et d'attendre, muette comme une statue, quelque chose qui ne venait pas.
Le troisième jour après son arrivée, au petit matin, Eadha la convoqua dans son bureau.
_ « Ils veulent vous voir au 6 ème, je leur ai dit que vous arriviez. »
Puis ce fut tout. Pas un mot de plus, pas un mot de moins.
Thorn ne dit rien, seuls yeux s'étaient un peu rétrécis, à cause de la lumière, sûrement.
Et comme des centaines d'autres anonymes avant elle, Thorn tourna les talons et se dirigea vers le grand escalier, ignorant les regards braqués sur elle. Elle commença à monter les marches d'un pas vifs, et je savais ce qu'elle espérait. Je lui aurais bien soufflé moi, que son espoir était plus que vain, qu'il était dangereux pour elle, et qu'au bout du long couloir du sixième étage, ce n'était pas le Vieux qui l'attendait, mais seulement une vallée de Josaphat.
Thorn monta les marches d'un pas vifs, « peut-être, oui peut-être » murmurait-elle à chaque enjambée. A peine eut-elle franchis le pallier du sixième étage qu'un homme laid et contrefait lui indiqua une grande porte, blanche et luisante comme de la neige. Sous le rais de la porte, débordait une moquette rouge et épaisse, comme une coulée de sang. A sa vue, Thorn esquissa un sourire en demi teinte. Du rouge. Sa couleur de toute éternité.
Ce n'était pas le Vieux qui l'attendait à l'intérieur. A sa place, il y avait trois hommes vêtus de noir, assis devant une table de verre, et dont les regards étaient braqués sur elle.
Le premier avait un sourire idiot et incroyablement dangereux. Il semblait assez petit, et avait un air de fouine. Ou de blaireau. Ou peut-être encore, un mélange des deux. Dans tous les cas, son visage entier avait une expression souriante, perverse et cruelle. Une brute épaisse doublée d'un sadique sans nom, et quelque chose de gluant, de malléable, de visqueux.
La glaise.
En voyant le second, elle failli, un brève instant, éclater de rire et le montrer du doigt en disant « un scolopendre, un scolopendre ! » Il y avait quelque chose de malléable dans cet homme là aussi ? à supposer que c'étaient bien des hommes - mais quelque chose de grouillant, de pourri. Quelque chose qui évoquait la décomposition.
L'humus.
Le troisième, en revanche, ne ressemblait pas à ses deux accolytes. Il était assez mince, presque maigre, et ses yeux, vides de toute expression, ne regardaient rien en particulier et en même temps tout. Quelque chose en lui - mais quoi ? - lui rappelait le Vieux ou pour être plus précis, certains côtés du Vieux, et ce constat irrita Thorn tout autant qu'il la troubla. Il avait quelque chose de métallique, d'inexorable. Et comme il la détaillait, - elle ou autre chose ? Comment savoir ? - elle eut la sensation de voir son âme émincée, découpée en tout petit morçeaux et extraite de son corps, puis posée sur une table.
Et elle se mit à espérer de tout son coeur que cet homme là ne verrait pas ses genoux trembler sous le rouge de sa jupe.
L'acier.
Loin, très loin à travers un épais brouillard, elle entendit une voix lui demander de s'asseoir, de prendre place sur la chaise. Docile, vidée déjà de toute réaction, elle obéit, se demandant vaguement quelque part dans son esprit comment elle avait fait pour ne pas la remarquer avant, cette chaise.